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Malte (ordre de) - Massebeuf (Albert) - Massif Central; médioroman et Médioromanie - Méraville (Marie - Aimée) - Michalias (Régis) - Michelin - migrants I avant l'exode rural - migrants II de l'exode rural au vidage des campagnes - La Montagne (journal) - "montagne" et "pays haut" - Montagne bourbonnaise - Montagne vivaroise - Montluçon - mots-outils - Moulins et Yzeure - Mourton (Nicolas)
MALTE (Ordre de) Héritier des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, cet ordre religieux et militaire s'illustra dans la lutte contre les Turcs en Méditerranée. Ses chevaliers étaient divisés en nations, c-à-d en communautés linguistiques selon le sens de ce mot jusqu'à 1789. Or, les chevaliers du Royaume de France étaient répartis en 3 nations : France (Nord), Provence (Sud : les provinces de langue d'oc du Midi), Auvergne (régions centrales). La commanderie d'Auvergne, qui eut Bourganeuf comme chef-lieu, étendait ses dépendances du Limousin au Dauphiné, c-à-d sur une partie de l'aire médioromane. Cela ne veut naturellement pas dire que toute cette région parlait "auvergnat" au sens étroit du terme, mais que : 1. A cette époque où la francisation était peu avancée en France médiane et où les rêves expansionnistes du Comté de Toulouse étaient brisés, les contemporains (époques médiévale et moderne en partie) reconnaissaient qu'un type de langue différent de celui du Nord (oïl) et du Sud (oc) existait en France médiane. 2. L'Auvergne était alors une des régions les plus peuplées de la France entière et sa forte personnalité restait la plus intacte dans les régions centrales. Elle servit donc de référence à ce langage des contrées intermédiaires, avec le sens très sûr que les praticiens ont des apparentements réels et qui diffèrent plus d'une fois des critères parfois formalistes mis en avant par certains linguistes.
MASSEBEUF Albert Erudit et écrivain arvernisant brivadois, né en 1904, mort en janvier 2002. De pure origine paysanne, arvernophone de naissance, une carrière au Crédit Agricole, en partie itinérante, lui permit de connaître tout le Brivadois comme personne, dans son intimité la plus profonde. Son oeuvre comprend deux faces :
Un hommage circonstancié lui est rendu par le numéro 113 de la revue Bïzà Neirà.
MASSIF CENTRAL L'évolution politico - médiatique récente de la notion oblige à rappeler la seule réalité tangible et allant de soi : le Massif Central est un ensemble de géographie physique. Il est constitué principalement de plateaux compacts, accidentés de gorges, cristallins et métamorphiques sur 70 à 80 % de son étendue de 78000 km². Le reste comporte les plateaux secondaires calcaires des Causses et de plaines sableuses ou marneuses tertiaires : Limagnes de l'axe de l'Allier, Forez et plaine de Roanne sur l'axe de la Loire; plus quelques bassins d'ampleur réduite (Le Puy, Emblavès, Le Malzieu, Aurillac...); et les plus grandes surfaces volcaniques d'Europe en un alignement occidental principal (chaîne des Puys, Dore, Cézalier, Cantal, Aubrac), deux alignements orientaux secondaires (Devès; Meygal - Mézenc - Montagne vivaroise - Coirons)) et des pointements isolés multiples parsemés entre eux. L'Auvergne est au coeur du Massif. Elle en est la partie la plus diversifiée, disposition heureuse qui lui a valu la complémentarité fructueuse de ressources variées et des paysages d'une grande valeur esthétique et touristique. Mais on doit aussi tenir compte de deux autre caractéristiques importantes: 1. Le Massif Central est plus élevé au Sud et à l'Est. Par suite, la majeure partie des cours d'eau et les plus importants s'échappent vers le Nord (bassin de la Loire) et vers l'ouest (bassin de la Dordogne), ce qui facilite les relations dans ces directions. L'Auvergne est à la charnière des deux. Les hauteurs compactes de l'Est et du Sud n'ont pas été un obstacle à l'époque des troupeaux itinérants et de l'animal de bât. Elles le sont devenues avec le roulage, les chemins de fer, les routes modernes. Les travaux cyclopéens des autoroutes (A 75, éventuelle A 88) corrigent en partie ces désavantages, mais ne peuvent les combler entièrement. 2. Le Massif Central étend une "ombre portée" très loin en avant de ses limites par l'intermédiaire de vastes épandages de sables siliceux tertiaires, essentiellement dans la direction de la pente naturelle, vers l'Ouest et vers le Nord : sables éocènes sidérolithiques (contenant des nodules de fer qui furent utilisées par la métallurgie) en Périgord et en Charente, sables de toutes les époques en Poitou, Berry, Nivernais (certains sont allés jusque dans le Bassin Parisien central, donnant la Forêt d'Orléans et d'autres épandages). Ces sables, particulièrement abondants et épais dans l'axe des rivières principales y sont restés plus présents, cloisonnant les bas plateaux calcaires (par exemple ceux du Cher coupent en deux la Champagne berrichonne). Ils sont peu fertiles, cause de faiblesse dans l'architecture des régions concernées; d'autre part, ils ont projeté les paysages et l'économie agricole du Massif Central loin en avant des limites géologiques du socle. Ils ont ainsi créé des solidarités importantes entre les Charentes, le Berry, le Nivernais et les contrées voisines situées sur le socle (Limousin, Marche, Bourbonnais...) Du point de vue de la géographie humaine, le Limousin au sens étroit du terme est entièrement compris dans le Massif. L'Auvergne de même. Le reste a toujours été rattaché à des provinces, territoires ou régions périphériques, les relations centrifuges y ont toujours prédominé : à l'Est vers le grand couloir de la Saône et du Rhône, au Sud-Ouest vers le bassin d'Aquitaine, au Sud vers le Bas Languedoc. Les anciens géographes ont créé une illusion reprise par les aménageurs en considérant le Massif Central comme une entité humaine unique. Cela pouvait avoir une portion de vérité à l'époque des genres de vie "traditionnels", mais la vie de relations a toujours été largement centrifuge, même au coeur du Massif. La géographie humaine et économique d'après 1950 avait corrigé cette erreur. Mais actuellement [2000 - 2001] elle fait un retour en force. Sous prétexte de "grande région de poids européen", d'une union qui fait la force des demandeurs d'équipements et de subventions auprès de "Paris" et de "Bruxelles", la notion de Massif Central a été relancée. Dans un premier temps, elle fut un moyen de coordination commode (par exemple par l'intermédiaire de l'ADIMAC dont la circonscription, discutable à l'Est et au Sud-Ouest, comprenait intelligemment le Berry). Actuellement, avec des contours qui ne parviennent pas à sortir du flou (17 ? 18 ? 20 départements ? ), se confondant parfois avec la circonscription ADIMAC (ce serait "le moins pire"), mais déplorablement coupée de contrées actives qui sont pourtant contenues dans les limites du Massif Central (Loire, Rhône, Saône-et-Loire, Nièvre), absurdement étendu par contre à des portions de départements méridionaux qui n'ont rien de commun avec le Massif Central sauf un peu de granite et la recherche de subventions, ce "nouveau Massif" mérite un jugement nuancé mais clair :
Cette entité géographique et humaine comprend une partie de la vallée de la haute Dordogne (transformée par les barrages hydro-électriques), un ensemble de plateaux moyens métamorphiques coupé de gorges et parfois surmonté de belles planèzes (Mauriac, Pleaux) et les hautes pentes volcaniques s'élevant vers le Puy Mary (Trizac, Limons). Le Mauriacois est découpé par des réseaux de rivières rayonnantes (Maronne, Auze, Rhue de Cheylade, Santoire...). Il est délimité par le pays bosselé de l'Artense au Nord et par les gorges de la Maronne et de ses affluents au Sud. Le climat relativement favorable (le bassin de la haute Dordogne est ouvert vers le Sud Ouest , il s'ensuit que c'est un golfe de chaleur estivale et de pluies abondantes) et les sols des planèzes basses et moyennes (600 - 1000 m.) sont fertiles. Cela a favorisé un peuplement très ancien en provenance de la bordure aquitaine (petits groupes "sauveterriens" qui ont évolué vers une agriculture variée et un élevage diversifié), stabilisé tôt (nombreux lieux portant un nom domanial antique en -ac et -anges). Cette population, très stable, a fourni de gros contingents à l'émigration vers le Sud Ouest, les Charentes, puis l'Espagne avant de se diriger massivement vers Paris. Une prospérité médiévale a laissé un legs très riche d'églises romanes (Moulier P. : Eglises romanes de Haute Auvergne, I Le Mauriacois, éd. Créer 63340 Nonette) et d'autres témoignages monumentaux (Salers). De par sa situation et son orientation vers le Sud Ouest, le Mauriacois a un dialecte très typé, notamment par un vocabulaire assez particulier sans être méridional : la différence avec l'Aurillacois reste très marquée. Le trait phonétique le plus frappant est le -g- remplaçant l intervocalique. Il était autrefois en continuité avec le Nord du Gévaudan via le Muratais et le Sanflorain. La formation de la zone sanfloraine de -rh- l'a fragmenté et refoulé jusqu'aux abords de la Santoire. Le système de l'estive sous le contrôle des éleveurs aurillacois et quercynois a fait pénétrer plusieurs traits languedociens comme b remplaçant v jusque vers Riom-ès- Montagnes. Ces beaux parlers manquent malheureusement d'illustration littéraire. A propos de la géohistoire du Mauriacois, lire les articles nombreux publiés par P. Bonnaud dans Bïzà Neirà n° 81, 88, 89, 114 notamment. Après avoir relativement bien résisté au dépeuplement (pour une région auvergnate !) le Mauriacois actuel subit la crise de l'élevage. Ses petits centres urbains vivants (bassin d'Ydes, Riom-ès- Montagnes, Mauriac) peinent à se maintenir. L'Aurillacois et l'agglomération clermontoise, ainsi que la fonction publique, ont remplacé Paris comme destinations principales d'émigration et aspirent les forces vives du pays. Cependant, ses ressources propres sont indiscutables et le protégeront sans doute de la désertification catastrophique de certaines parties de l'Auvergne. L'autoroute A 89 relativement proche et l'amélioration de la route vers Clermont y suscitent quelques espoirs.
MEDIOROMAN, MEDIOROMANIE I. Il faut comprendre avant tout que ces deux mots ne se posent pas en concurrents d'occitan et d'Occitanie.
II. Grandes étapes. Les mots sont récents, mais beaucoup d'éléments qui justifient le concept ont été mis en évidence depuis longtemps par des chercheurs de disciplines différentes (géographie agraire, ethnographie, droit, histoire, histoire de l'art...). Apparus en 1973 dans la Revue d'Auvergne sous la plume de P. Bonnaud, ces deux mots ont coordonné et élargi des apports destinés à confluer, mais encore dispersés et cloisonnés. Ils ont par là même créé des perspectives nouvelles et plus vastes. Géohistoriquement, on peut distinguer 6 étapes : 1. Préfiguration globale : la Celtica, partie de la Gaule peuplée par les Celtes de la Seine à la Garonne. Elle fournit un substrat ethno - culturel de base. 2. Préfiguration partielle. A l'époque gallo-romaine, la romanisation emprunte , à partir de la Gaule cisalpine et de Milan, capitale économique du monde romain occidental des grandes voies de communication disposées d'Est en Ouest dans la Gaule médiane, via les relais principaux de Lyon et de Vienne. La hiérarchisation du système colonial romain donne deux variantes à cet espace romanisé au coeur de la Gaule (origine des deux termes) : centro - occidentale, l'Aquitaine augustéenne (puis l'Aquitaine première : Gaule centrale; et l'Aquitaine seconde : Gaule centro - occidentale, de Dioclétien et de Constantin); d'autre part, la variante centro - orientale comprenait la Viennoise, la Lyonnaise et la Séquanaise. 3. Premier refoulement haut médiéval : la domination franque, qui coupe la Gaule du Nord du monde méditerranéen, favorise l'émergence du type linguistique français, marqué surtout par la résurgence du substrat celtique plus que par l'empreinte du superstrat germanique. Au X° siècle, ce type linguistique s'étend jusqu'à une ligne Nantes - Sologne - Porte d'Alsace ("ligne von Wartburg" : cf. W. Von Wartburg : Les origines des peuples romans, Paris 1942). 4. Second refoulement. Le conglomérat politico-économique français ayant pour base les régions céréalières riches du Bassin Parisien central s'étend par conquête et contact. A la veille de la guerre de Cent Ans, il a gagné linguistiquement jusqu'à une ligne approximative partant des environs de Saintes, gagnant ceux de Niort, de Poitiers, traversant le Sud du Berry et du Nivernais puis remontant vers les plateaux du Jura central. Du côté du Sud, apparaît un Croissant méridional du Bergeracois à l'Aurillacois, puis en Gévaudan, résultant de l'influence toulousaine, rivale de celle de la France jusqu'au XIII° siècle. L'influence de la Basse Provence remonte dans les Alpes du Sud. 5. Troisième refoulement. La Reconstruction des Campagnes et le système fiscal des Cinq Grosses Fermes, relayant le rôle du "Royaume de Bourges" poussent la francisation jusqu'à la prétendue "limite oc - oïl" du XV° au XIX° siècle : voir Terracher (effet). A l'Est le franco-provençal subit une subversion française très forte, accélérée par les guerres d'Italie (et, dans les Alpes, l'influence francisante de l'Etat savoyard) en Bourgogne Jura, Savoie, vallée de la Saône et du Rhône jusqu'au Sud de Lyon. C'est à ce point de l'évolution qu'intervient la philologie débutante (v. langue d'oc - langue d'oïl). Elle ignore les langues régionales de la France médiane. Elle a tendance à tout rapporter à ce qu'elle connaît : le français au Nord, le provençal et le languedocien au Sud. D'où la simplification fautive de "l'opposition de la langue d'oc et de la langue d'oïl", transformée ensuite en "acquis" intouchable puis en véritable mythe national (et nationaliste dans quelque milieux méridionaux). 6. Que restait-il? Au Nord de la ligne von Wartburg, la francisation avait été pratiquement totale : les chansons du Beauceron Gaston Couté sont du français avec un nombre insignifiant de mots "patois" qui sont un écho plus que moribond du langage originel dont on repère plus de traces dans la toponymie. Entre la ligne von Wartburg et la prétendue "frontière oc - oïl", le type français est devenu dominant, mais les parlers paysans (qui gardent des vestiges du moyen français, époque - clé de la francisation), conservent aussi des traces nombreuses des dialectes originels. Ces traces sont significativement apparentées aux langues régionales conservées : limousin, auvergnat, forézien, dauphinois. Ces dernières ont aussi évolué en empruntant aux formes originales défuntes du Poitou (les Charentes étaient originellement limousines), du Berry, de la Bourgogne. A partir de la grande erreur initiale de la philologie mentionnée ci-dessus, les langues régionales conservées et en particulier l'auvergnat subissent une guerre implacable qui se déroule en deux phases :
III. Et que reste-t-il ? - En réalité, il reste beaucoup, mais c'est à dégager d'une gangue épaisse d'interdits, d'intimidations, d'arguments-massue, voire de bluffs sur de prétendus "acquis" définitifs. Il faut d'abord se rendre compte que :
Orientation bibliographique
Première Rencontre : mai 2000
MERAVILLE Marie - Aimée Née à Garret de Condat-en-Feniers en 1902, morte en 1963, institutrice cantalienne qui sut restituer l'esprit paysan avec acuité et finesse et dont le français plein de saveur semble parfois calqué sur l'auvergnat qui fut la langue de sa famille, de ses voisins, de son enfance. M. A. Méraville est surtout connue par Le coffre à sel (1942, réédition 1964 avec photos d'Albert Monier) et ses Contes populaires de l'Auvergne suivis d'un Mémoire sur la langue et le patois (Paris, GP Maisonneuve et Larose 1970, réédités depuis à deux reprises 1981,1997). Mais son oeuvre est plus vaste : Monastier- le - Double 1946, Les contes du vent frivolant 1946, La vache, cette noble servante 1948. Elle fut reconnue : par le prix Olivier de Serre (La vache...), par le prix des Volcans (Contes d'Auvergne 1958, première version du livre mentionné ci-dessus), par Pourrat et Vialatte, par des éditions à l'étranger (Japon). Il s'agirait maintenant qu'elle ne soit pas oubliée, dans le tohu-bohu d'une production trop abondante où les écrivains seront bientôt plus nombreux que les lecteurs. On peut l'espérer, puisqu'en octobre 2001a été créée une association des Amis de M. A. Méraville, présidée par Jean Anglade et qui compte organiser des rencontres littéraires à Condat-en-Feniers et à Saint-Flour où elle vécut quarante années de sa vie.
MICHALIAS Régis 1844 - 1916 Pharmacien à Ambert, Michalias fut pratiquement le seul représentant productif en Basse Auvergne du premier Félibrige, d'inspiration provençale. Avantages : il eut une conception d'ensemble de l'action "renaissantiste" à mener. Il ne se contenta pas d'écrire des poèmes. Il est aussi l'auteur d'un lexique précieux intitulé Glossaire des mots particuliers du dialecte d'oc de la commune d'Ambert, Paris, Honoré Champion 1912; et d'une Grammaire auvergnate qui n'est en fait qu'une bonne grammaire du parler ambertois. Mais ces défauts parcellaires sont généraux à son époque, leur avers est une authenticité indiscutable et il faut considérer son mérite qui est de chercher à recueillir ce qui est valable, de tenter de définir des règles non pour emprisonner mais pour guider et de regarder au-delà de son oeuvre personnelle vers l'édification du public qui pourrait être intéressé. Inconvénients : Michalias avait un certain tempérament lyrique plein - peut-être trop - de retenue personnelle et par conséquent tourné vers un lyrisme de la nature. C'est pourquoi son premier recueil Er de loû su [Ers de lous suts] Impr. J. Migeon, Ambert 1904, contient plusieurs pièces intéressantes. Mais déjà il y figure des morceaux félibréens de pure circonstance et une tendance déplorable à mâtiner sa langue de provençalismes. Ces défauts s'accentuent dans Er d'én païzan [Ers d'uen païsan], même éditeur, 1908. Quant à ses poésies inédites, elles furent vantées par Benezet Vidal, représentant du second Félibrige méridionalisant à outrance, ce qui fait craindre le pire. Michalias fut mal récompensé de son humilité : Vermenouze, qu'il encensait, le plaignit d'oeuvrer dans un idiome "si éculé" et Pourrat, qu'il influença brièvement à ses débuts, prit une autre voie, mais sans doute plus favorable à l'Auvergne en dernière analyse. L'oeuvre de Michalias est en définitive tout à fait représentative des obstacles exceptionnellement élevés et parfois pervers que la langue auvergnate rencontre dans son combat pour être reconnue et pour s'affirmer.
Son seul nom met en ébullition divers milieux politiques et intellectuels. Cherchons à l'évaluer objectivement du seul point de vue de l'intérêt général de l'Auvergne et plus particulièrement de Clermont.
Il faut enfin souligner que les discussions à propos de Michelin sont un écho d'une situation en voie de se périmer puisque Clermont, à son stade actuel de développement, n'est plus une "ville Michelin" et ne manque pas d'autres difficultés à affronter.
MIGRANTS D'AUVERGNE I. Avant l'exode rural. Beaucoup croient que les gens d'autrefois ne bougeaient guère et que les déplacements multiples sont l'apanage de nos commodités de circulation. Or, pour constater le contraire, il n'est pas nécessaire de remonter aux grands chasseurs et aux éleveurs itinérants de troupeaux de l'époque préhistorique, aux migrations protohistoriques des Celtes ou antiques des Germains. Les hommes du moyen âge se déplaçaient, souvent sur de grandes distances : outre les pèlerins, on comptait déjà des travailleurs à la recherche de ressources, des soldats par obligation ou par goût, des fuyards... L'Auvergne d'avant la guerre de Cent Ans en a connu, car elle était déjà surpeuplée. Le Bourbonnais semble bien avoir été le siège d'une certaine instabilité, des partants vers le Bassin Parisien étant remplacés par des Nivernais et Bourguignons à l'Est et au Centre, par des Combraillais et des Marchois à l'Ouest et dans le vignoble de Saint-Pourçain. Les besoins de main d'oeuvre de la Reconstruction des Campagnes allégèrent le surpeuplement aux XV° et XVI° siècles, mais moins en Auvergne que dans d'autres régions, car elle avait été moins touchée par la crise militaro - démographique de la fin du moyen âge et les effets sociaux du mouvement furent atténués sauf dans une partie du Bourbonnais. Dès le XVII° siècle commencent les formes multiples des migrations que les ethnographes et anciens géographes appellent "traditionnelles". Elles s'organisent peu à peu selon des modalités très élaborées dans leurs destinations, leurs parcours, les métiers concernés, le déroulement des déplacements, plus souvent collectifs (groupes de migrants appelés vïjan au Nord, cola au Sud) qu'individuels. La plupart du temps, ce sont des montagnards qui vont vers les pays de plaine. Mais l'inverse peut exister : prolétaires ruraux limagnais faisant des campagnes de fauchage en altitude; et certains secteurs très fortement migrateurs envoient des migrants dans tous les milieux (plaine, montagne, au loin), telle la Montagne bourbonnaise. On distingue classiquement les types suivants :
Les migrants se spécialisaient souvent par métiers dominants selon les secteurs : sabotiers, boisseliers, taillandiers de la Montagne bourbonnaise, peigneurs de chanvre, rétameurs, frotteurs de parquet du Sanflorain, scieurs de long du Livradois et du Forez (cf. Arnoult A. : La grande histoire des scieurs de long, 2 volumes 1994 - 1999), colporteurs d'Arconsat et de l'Artense, marchands de toile du seuil de Landeyrat, voire mendiants dotés de certificats d'incendie de leurs biens dans quelques communes du Livradois. Selon les secteurs de départ, les destinations sont assez bien définies : gens du Sud de l'Auvergne vers l'Aquitaine, le Bas Languedoc et surtout le Bas Rhône, gens de l'Ouest vers la moitié occidentale de la France, gens de l'Est vers la partie orientale (avec cependant une forte interférence de la Normandie à la Champagne et à la région Lyonnaise). Ces migrations sont surtout internes au monde rural. Parmi elles, on a insuffisamment étudié les glissements progressifs qui, sur une longue période, aboutissent à des cumuls parfois importants : beaucoup de ces mouvements sont décelés au hasard de contrats, de notations locales, mais les noms de famille les suggèrent beaucoup plus amples qu'on ne l'imagine généralement. La plupart se situent dans une aire de la France médiane qui va du Poitou au Jura et qui n'attire pas seulement des scieurs de long mais, de proche en proche, elles finissent par devenir des migrations définitives couvrant un vaste espace médian français. L'étude, certes difficile, de tels établissements devrait être un grand chantier de l'histoire populaire de l'Auvergne. Certains mouvements en sens inverse des principaux (c-à-d vers l'Auvergne intérieure et la montagne) sont indubitables, quoique plus ténus : des noms de famille dont l'origine géographique est clairement située traduisent une migration de la Limagne vers les plateaux voisins; la Limagne centrale attire progressivement, de proche en proche, des Gévaudanais descendant le cours de l'Allier, des Nivernais passant en Bourbonnais oriental, puis en Varenne et enfin dans la Limagne marneuse et le pays des coteaux. Au cours de cette période, le migrant cherche toujours à rentrer au pays. Cependant, une émigration définitive commence soit par stabilisation professionnelle, soit par mariage, contrat de métayage ou fermage, etc... La "réunion des familles" n'est pas de mise alors : l'émigrant qui s'établit ailleurs, presque toujours masculin, est perdu pour le "pays" et seul son nom, s'il parvient à se perpétuer, témoigne encore de l'Auvergne au loin. Mais ce témoignage est impressionnant : l'anthroponymie de la plupart des régions françaises - avant tout en France médiane et orientale - porte les traces bien visibles de l'énorme torrent humain qui s'est déversé depuis l'Auvergne pendant cinq siècles, et sans doute plus longtemps si les documents permettaient de remonter au-delà. II. De l'exode rural au vidage des campagnes .L'exode rural qui se déclenche entre 1830 et 1870 devient très ample de 1880 à 1914, se poursuit sur le même rythme entre les deux guerres, devient torrentiel après 1950, aboutissant à un véritable vidage humain des campagnes les plus isolées des villes, catégorie abondante dans notre région de relief accidenté. Ayant en vue l'Auvergne, on peut distinguer deux phases qui lui sont bien spécifiques : 1. La phase de déversement vers l'extérieur qui dure jusqu'en 1920, c-à-d au grand développement des usines Michelin et, plus généralement, à l'industrialisation de Clermont puis du couloir du val d'Allier. Paris est alors la destination principale, d'abord à partir de la Basse Auvergne, fait méconnu mais important, puis (à partir de 1880) de l'Auvergne méridionale (v. Auvergnats de Paris). Mais il y a aussi les départs vers Lyon, Saint-Etienne, la vallée du Rhône, Marseille à partir du Velay et du Sud-Est de la Basse Auvergne. Vers Paris, les émigrants sont employés, petits commerçants ou pratiquent les métiers les plus durs et les plus salissants. Vers les autres destinations, ils deviennent souvent ouvriers (surtout dans la Loire où fut énorme l'émigration vellave et du Sud du Forez auvergnat ainsi que de la Montagne bourbonnaise en direction de Roanne). 2. La phase intérieure retient une grande partie de l'émigration auvergnate dans la région clermontoise, puis plus généralement dans l'axe de l'Allier qui apparaît de plus en plus comme un même ensemble urbanisé. Cependant, à partir de certaines périphéries, d'autres mouvements se maintiennent : du Bourbonnais vers le Sud du Bassin Parisien, de l'Aurillacois vers l'Aquitaine, du Velay et de la Basse Auvergne orientale vers Lyon et Saint-Etienne. Mais l'émigration "de promotion modeste" qui commença vers 1900 (instituteurs, employés des Postes, des chemins de fer, etc...) s'est beaucoup développée par la suite. D'abord avec des spécialisations locales d'origine : par exemple le haut Allier donna beaucoup de travailleurs aux chemins de fer; puis plus généralement. Les destinations se diversifièrent en fonction des affectations : Paris, le Nord et le Nord-Est, relativement déficitaires en fonctionnaires, surtout débutants, sont les principales. Le "drainage des cerveaux" (par lequel l'Auvergne pauvre qui a supporté les coûts de formation rend largement à la communauté nationale ce qu'elle reçoit en subventions) se fait au profit de Paris, de Lyon et des autres grandes agglomérations. Le courant de retraités riches vers les "pays du soleil" est plus modeste en Auvergne que dans mainte région. 3. Le vidage des campagnes écartées atteint parfois jusqu'à 80 % de pertes par rapport au maximum de population du XIX° siècle. Il présente des aspects catastrophiques dans certaines contrées (voir Cantal, * Brivadois, Caribassa). Mais il a pour pendant la rurbanisation des campagnes voisines des villes : les citadins continuent à s'installer dans ces lieux plus agréables et plus tranquilles. Les auréoles de suburbanisation, sans cesse élargies grâce à l'usage massif de l'automobile se rejoignent dans une grande partie de l'axe de l'Allier, d'Issoire à Moulins et surtout dans la Limagne clermontoise des buttes. Dans ces secteurs, la population ("ruraux non agriculteurs") augmente. 4. Le bilan démographique (natalité - mortalité) de l'Auvergne qui fut naguère très féconde est devenu très négatif. Plusieurs vagues d'immigration étrangère n'y ont rien changé : Italiens avant 1914, Italiens, Polonais, Espagnols entre les deux guerres, Portugais, Maghrébins, Turcs, gens d'origine très diverse depuis 1960 et surtout depuis 1970 - 1980. L'agglomération clermontoise est la troisième concentration portugaise de France après Paris et Lyon, mais la première en chiffres proportionnels. Une immigration de France du Nord existe depuis longtemps dans les campagnes bourbonnaises. Moins importante qu'en Limousin (et moins habilement aidée) elle tend à s'étendre à d'autres parties de l'Auvergne, principalement au département du Puy-de-Dôme, et à gagner les villes principales. Il ne faut pas oublier non plus qu'un courant discret mais bien réel amène en Auvergne depuis de nombreux siècles des gens de la Corrèze, que le bassin durollien poursuit ses échanges humains intimes avec la Loire voisine et que Montluçon fut depuis son industrialisation une destination essentielle pour les émigrants d'une moitié nord-orientale du département de la Creuse.
"LA MONTAGNE" Le média régional incontournable, en position de monopole de fait depuis la disparition de "La Liberté" et bien décidé à la garder : cf la création récente de la télévision locale Clermont Première sous son égide. Le journal annonce un tirage de 230000 - 250000 exemplaires et revendique 1 million de lecteurs. Il couvre toute la région Auvergne, sauf le Velay (v. Eveil de la Haute-Loire) et déborde sur la Creuse et la Corrèze. Son groupe Centre - Presse dessert le Nivernais (Journal du Centre), le Berry (Berry Républicain), le Limousin (Le Populaire du Centre, L'Echo du Centre). Remarquer la répétition de "Centre" : cette aire fait irrésistiblement penser aux formations centrales qui se sont succédées en Gaule et en France par une sorte de génération spontanée qui exprime bien la façon dont les Arvernes / Auvergnats se sont vus dans l'ensemble "hexagonal" et qui montrent par leur résurrection permanente la réalité objective d'une France centrale organisée autour de la forte personnalité de l'Auvergne : Confédération arverne, Aquitaine première, archidiocèse de Bourges, principauté de Bourbon et "Massif Central" version ADIMAC, version technocratique menacée cependant par une interprétation politique nouvelle plus centrée sur le massif (V. Massif Central).
MONTAGNE BOURBONNAISE Cette contrée à la personnalité très forte appartint à l'Arvernie primitive puis au diocèse de Clermont. Toponymie et faits dialectaux y décèlent aisément un fond linguistique auvergnat, fortement modifié par de très importants apports foréziens et par le recouvrement français (la francisation des parlers s'y accélère visiblement depuis deux siècles comme le montrent les documents écrits). La Montagne bourbonnaise est donc du point de vue humain une contrée - type de transition. Ce fut aussi un gros "anticyclone humain" qui diffusa ses migrants dans un rayon fort large : Roannais, Bourbonnais oriental, Nord-Est de la Basse Auvergne avant tout, mais aussi beaucoup plus loin : un stock anthroponymique particulièrement caractéristique révèle facilement cette diaspora. Le centre urbain principal de la Montagne bourbonnaise reste Roanne, malgré les progrès de l'attraction vichyssoise. Elle a un petit centre fédérateur, Le Mayet-de-Montagne, y compris sur le plan culturel ("Les Amis de la Montagne Bourbonnaise"). L'analyse plus fine montre aussi des différences internes : de part et d'autre de la Besbre; entre le Sud (Montagne haute), le Centre (Montagne moyenne à l'Est de Lapalisse) et le Nord (Montagne basse jusqu'au Puy-Saint-Ambroise, site remarquable qui mériterait d'être considéré comme un haut lieu régional au même titre que le Rocher Saint-Vincent et le Montoncel. De nombreuses anecdotes et légendes mettent en relief l'originalité de la Montagne et le caractère "irréductible" de ses habitants (les Pions, les Charguerauds...). Voir : Gagnon C. : Le folklore bourbonnais, IV les Parlers, Piquand G. : Légendes bourbonnaises; sur la langue : Bonnaud P. :Le dialecte de la Montagne bourbonnaise; Reichel K. H. : Quelques particularités du parler du Mayet-de-Montagne, Bïzà Neirà n° 75, 1992; Piéchaud H. (avec Barraud O.) : Chez Pion au XXI° siècle, y vivre et parler patois; sur l'inerprétation géohistorique générale, Bonnaud P. : Aux marges septentrionales-orientales de l'Arvernie, Bïzà Neirà n° 99, 1998.
"MONTAGNE" et "PAYS HAUT" Dans l'Auvergne rurale "traditionnelle" (d'avant 1914) "montagne" (mountanhà) ne désignait que les hauts pâturages fréquentés durant l'été par les troupeaux transhumants, ce que les géographes appellent "une montagne d'estive". Le reste des hautes terres était "le paï naut" (pays haut). Ce n'était pas un détail de vocabulaire : le concept français de la "montagne" avec tout un arrière-plan de notions très citadines (pureté de l'air et des eaux, proximité du ciel, position protégée des médiocrités de la vie courante se déroulant en bas) était ignoré des Arvernophones. Le paï naut était ce territoire élevé que des efforts supplémentaires devaient humaniser et mettre en exploitation. Il semble paradoxal, mais il est indiscutable qu'avec cette conception utilitaire les anciens Auvergnats avaient fait des hautes terres un pays magnifique, ordonné, propre, aux vues immenses dégagées (la "montagne claire"); et que notre conception littéraire, poétique et écologique de la montagne aboutit à l'embroussaillement et à la confusion répulsive : comparez la Margeride d'avant 1950 à ce qu'elle est devenue, voyez comment évoluent actuellement les Hautes Chaumes du Forez et tant d'autres contrées d'altitude. Bibliographie : Bonnaud P. : Pays haut et "montagne" : mythes autochtones de l'Auvergne et banalisation de l'époque actuelle, Bïzà Neirà n° 95, 1997-3.
MONTAGNE VIVAROISE Haut plateau d'altitude moyenne 1250 m autour des sources de la Loire entre Coucouron à l'Ouest, Mézilhac à l'Est, la forêt de Bonnefoy au Nord et le Tanargue au sud, en continuité avec les plateaux vellaves : même économie (où l'élevage bovin venu du Nord l'a emporté sur le mouton dès le bas moyen âge) , mêmes paysages, influence prépondérante de la ville du Puy sur une grande partie de ce territoire. Au moyen âge les maisons seigneuriales vellaves (Polignac, Roche-en- Régnier) furent très présentes en ces lieux, comme les Arvernes antérieurement lorsqu'ils cherchaient un accès vers la grande voie commerciale du Rhône. Bien que cette portion de l'ancienne Helvie ait fait partie de la Narbonnaise, l'influence de ces relations et du substrat de population celtique vivant sans grand rapport avec l'économie de traite coloniale méditerranéenne donna à la romanisation les mêmes caractères qu'en Auvergne. Au moyen âge, le repli de l'Auvergne sur elle-même favorisa l'emprise des courants rhodaniens. Le dialecte reste auvergnat, mais ces dernières ont fait prévaloir une phonétique (surtout vocalique) d'apparence plus conservatrice. Le vocabulaire est aussi plus rhodanien, comme dans le Velay à l'Est de la Loire. En enquêtant, notamment à Sainte-Eulalie et autour du lac d'Issarlès et du Gerbier de Jonc, nous avons remarqué que les paysans (en principe les plus enracinés) avaient un accent auvergnat (vellave) et regardaient le Puy comme le centre urbain de la région, tandis que dans l'élément commerçant ou administratif on entendait plus souvent l'accent du Midi et parler des rapports avec Aubenas.
Sur une carte du réseau urbain français, Montluçon se trouve en avant-poste de la France orientale, plus densément urbanisée face à celle de l'Ouest où l'urbanisation fut plus lâche et plus tardive. Par cette dernière caractéristique chronologique, elle se rattache même à la seconde et fournit un exemple de la progression de l'aire continentale plus dynamique aux dépens de la "ruralité profonde" de l'Ouest (en termes géohistoriques, naturellement et non dans la conjoncture actuelle). Son développement propre ne commence qu'au moyen âge avec l'expansion vers l'Ouest de l'Etat bourbonnais dont elle fut le point d'appui principal grâce à une position forte au confluent du Cher et de l'Amaron (ou : du Lamaron). La ville s'illustra dans les guerres médiévales par sa résistance aux Anglais, que commémorèrent longtemps les fêtes du Chevau-fu. Cependant :
La chute de la principauté bourbonnaise transforma Montluçon en simple marché local. Le canal de Berry (1808 - 1834) décide de sa fortune en permettant l'arrivée de matières premières (fer, sable de verrerie) qui, conjuguées avec la houille de Commentry, en font d'abord un centre d'industrie lourdes. Après leur déclin, les industries de transformation (mécanique, caoutchouc) se développèrent en deux phases (après chaque guerre mondiale). De riches traditions ouvrières se créèrent pendant cette période : il y aurait une belle étude comparée à faire avec des villes comme Thiers, Roanne et Saint-Etienne. Puis, à partir des années 1960, la fonction de service prit de plus en plus d'importance, desservant un vaste territoire à cheval sur l'Ouest de l'Allier, le NO du Puy-de-Dôme, presque une moitié de la Creuse, des portions du Cher et de l'Indre. Mais Montluçon est désavantagée actuellement par le déclin démographique accentué des campagnes environnantes et par son emplacement : les bureaucraties régionales tendent à se barricader derrière un "rideau de paperasses" et la situation au contact de trois régions administratives (Auvergne, Limousin, Centre) qui en bonne logique d'économie ouverte devrait lui être favorable, a tendu en fait à réduire son influence, la ville pâtissant de la faiblesse de son statut administratif. Les avantages de la position demeurent et devraient inévitablement se révéler un jour : la RCEA et l'A 71 se croisent dans les environs. La réputation de "ville de gauche" lui a nui auprès des entreprises, mais c'est en fait une ville socialement calme, comme tous les centres de vieux prolétariat où s'est formée une idéologie révérant le travail. La structure urbaine essaimée sur un vaste rayon est actuellement un élément favorable. La ville, qui fut exaltée par l'écrivain vernaculaire original Péroux-Beaulaton et par les études ethnographiques et dialectales du Dr. Georges Piquand est aussi un centre intellectuel (cf. Malleret M. : Encyclopédie des auteurs du pays montluçonnais et de leurs oeuvres (1440-1994), Les Cahiers Bourbonnais, Charroux 1995) tant de l'érudition traditionnelle (les Amis de Montluçon) que dans le domaine de la formation universitaire et professionnelle (IUT, IFAG, école de gendarmerie et des lycées réputés). Bibliographie : Couderc P. : La région urbaine de Montluçon - Commentry, Clermont-Ferrand, IEMC 1971).
MOTS - OUTILS Ce sont les pronoms et adjectifs (notamment démonstratifs, possessifs et indéfinis) et les articles, qui aident à préciser le genre et le nombre des noms dans le Nord de l'Auvergne ou permettent de le faire sans autre aide dans le Sud (voir pluriels) : le garsou, pluriel leù garsou, là drolà, la drola , queu fraisse, queleù fraissei; le biou, li biou; là fon, lis fon... Leur rôle et donc leur connaissance sont par suite d'une importance capitale en auvergnat médian et méridional, moindre, mais non négligeable en auvergnat septentrional. Le plus essentiel de ces discriminants est * l'article dont les formes doivent être bien connues et strictement respectées si l'on veut parler et écrire clairement et en auvergnat véritable. Il existe aussi des mots-outils invariables qui par exemple s'adjoignent au verbe pour lui donner un sens particulier. Le plus employé est mâ qui adoucit l'impératif, circonscrit et restreint le sens d'autres temps. La liste des "temps composés propres à l'auvergnat" qui se trouve à l'article conjugaison auvergnate en donne d'autres exemples spécifiques à notre langue.
MOULINS et YZEURE Le nom de Moulins n'apparaît qu'en 990-991, mais Yzeure (Iciodoro) était (son nom l'indique) un marché gaulois clos et fortifié à la rencontre de deux grands faisceaux de chemins protohistoriques, NE - SO et SE - NO, confluant pour passer l'Allier à gué. Un autre gué spécialement important était au voisinage, près de Toulon-sur-Allier. Plusieurs ponts ont précédé le célèbre pont Régemortes (1755-1765) du nom de son constructeur et la ville fut un port fluvial d'importance à l'époque moderne, ne faisant que reprendre le rôle de ses prédécesseurs qui expédiaient dans tout l'Empire romain les statuettes de terre blanche fabriquées à Yzeure, Avermes et Toulon-sur-Allier. La première fonction fut donc commerciale et liée aux échanges à grande distance. La seconde fut militaro-administrative : château des ducs de Bourbon, bureaucratie déjà moderne d'officiers au service d'une dynastie qui transposait intelligemment l'exemple capétien. Elle survécut à la chute du duché bourbonnais (1527) à travers la grande Généralité de Moulins, une circonscription digne d'intérêt réunissant le Bourbonnais et la majeure partie de la Marche et du Nivernais : elle était pertinente, car elle rassemblait les terres d'élevage que la Reconstruction des campagnes rendait complémentaires du Bassin Parisien et regroupait deux types de société paysanne assez complémentaires : la paysannerie autarcique et migrante des confins auvergnats et les terres peu peuplées mais en voie d'amélioration agricole de la bordure du Bassin Parisien. La route des Intendants Autun - Moulins - Limoges semblait l'instrument d'un développement économique moderne, possible en la fin du XVIII° siècle. Cette période fut prospère : en témoigne l'architecture d'hôtels particuliers de briques roses et noires, d'une haute valeur identitaire et qui, largement imitée, a donné son aspect le plus attachant à la Sologne bourbonnaise. De vastes plans urbanistiques étaient même en projet à la veille de la Révolution. Celle-ci plongea Moulins dans la stagnation, en ne lui laissant qu'un rôle de chef-lieu départemental dans un système centralisé. Ce qui contribua à maintenir la ville, c'est le "bocage moulinois", vaste ellipse NO - SE à cheval sur les plateaux occidentaux du socle et sur la plaine d'Entre - Loire - et - Allier. Moulins était la résidence de grands propriétaires dont la plupart cherchaient à améliorer l'exploitation de leurs terres et ses foires écoulaient leurs produits. Il en reste le concours prestigieux de la race charolaise au parc des Isles : ainsi, le commerce à base régionale remplaçait celui à grande distance. L'industrialisation a été tardive (pendant les Trente Glorieuses), partielle (elle n'atteignit jamais 20 % de l'emploi urbain total) et mal accrochée : des crises à répétition ont successivement amoindri cette importance toute relative. Comme partout, l'urbanisation actuelle s'étale largement sur les campagnes voisines, ce qui permet de considérer que l'agglomération, bien desservie (chemin de fer, routes) est au croisement de deux axes essentiels : la RN 7, pourvue d'une belle déviation heureusement placée au large et la RCEA (route Centre-Europe - Atlantique), plus d'autres routes moindres comme la RN 9. Cela permet à la ville de conserver une zone d'influence étendue représentant presque la moitié septentrionale et orientale du département de l'Allier. Moulins est indiscutablement une capitale culturelle à l'échelle régionale, grâce à son patrimoine (cathédrale et le très riche ensemble d'églises du Bocage moulinois, musées importants, monuments urbains divers, châteaux ruraux du voisinage) et à des traditions d'érudition qui ont fait leurs preuves avec la Société d'Emulation du Bourbonnais et plusieurs revues ("Bulletin" de la société précitée, Notre Bourbonnais...) accumulant une documentation de grande importance sur le passé bourbonnais et sur les caractères durables de la contrée.
MOURTON Nicolas 1809 - 1872 Dessinateur et écrivain en langue auvergnate, né et mort à Clermont. Connu pour deux vues lithographiée de la ville de Clermont restées célèbres dans l'iconographie de cette ville et pour sa Physiologie du vigneron clermontois, en vers auvergnats, inachevée. Elle décrit avec une grande finesse la journée de travail du vigneron semi-prolétaire (viant), puis son jour de repos, le dimanche (partie inachevée). C'est un document sociologique d'un intérêt considérable. Une versification aisée rend la lecture agréable. Ce texte a été republié avec traduction et commentaire par la revue Bïzà Neirà n° 61, 1989. |
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